Une situation interne déjà fragile au Burundi
Le Burundi, pays enclavé en Afrique de l'Est, est une économie à faible revenu dont 80% de la population travaille dans le secteur de l'agriculture. Actuellement, le pays traverse une période de profondes turbulences marquées par une crise économique et sociale.
Pénurie chronique de carburant, inflation des prix, insécurité persistante et absence de perspectives concrètes de redressement plongent la population dans un climat de précarité généralisée. À cette situation déjà alarmante s’ajoutent les tensions régionales, qui viennent renforcer l’instabilité du pays et aggraver la crise humanitaire.
Ildephonse NDAYIKENGURUKIYE, notre partenaire local de l'asbl Solidarité pour Aider les Sinistrés Burundais (SASB), alerte : « Le Burundi traverse une crise financière du jamais vu depuis des décennies. [...] Les prix des denrées alimentaires, des maisons en location, des produits de première nécessité augmentent de façon quadruple. La pénurie du carburant, qui dure depuis plus de quatre ans, alourdit la vie des citoyens — et des vulnérables en particulier. »
Face à l'absence de solutions concrètes, le climat social se dégrade. « Les citoyens n'ont pas d’espoir sur leur avenir, car rien n’est fait pour la résolution des problématiques socio-économiques à l’heure actuelle. »
La montée en puissance de groupes armés et ses répercussions régionales
Depuis 2024, la situation sécuritaire en République Démocratique du Congo (RDC) ne cesse de se détériorer, notamment dans l’est du pays, où le Mouvement du 23 mars (M23), un groupe armé rebelle, a intensifié ses offensives. Actif principalement dans la province du Kivu, aux côtés des autres membres de l’Alliance Fleuve Congo, une coalition de groupes armés et de mouvements politico-militaires opposés au régime de Kinshasa, le M23 renforce ses capacités militaires et son influence. De plus, le M23 est accusé de violations des droits humains et de déstabilisation de la région.
Cette recrudescence de la violence a des répercussions importantes sur l’ensemble de la région des Grands Lacs, et affecte plus directement le Burundi, voisin immédiat de la RDC au sud-est, en raison des déplacements massifs de populations, de tensions transfrontalières et d’un climat d’insécurité accru.
Comme l'explique Ildephonse : « La situation sécuritaire par rapport à la guerre en RDC a une conséquence sur la situation socio-économique et sécuritaire tant au Burundi qu'aux régions des Grands Lacs, dans la mesure où les Burundais s’approvisionnent, font du commerce dans la région du sud de la RDC, échangent des biens et services de nos deux pays (RDC-Burundi), vont chercher du carburant dans cette période de pénurie. »
Mais l’inquiétude ne se limite pas aux répercussions économiques : le conflit en RDC fait aussi craindre une aggravation de la situation dans la région.
Une menace directe sur la stabilité du Burundi
La tension est d'autant plus vive que la prise de Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, en février dernier par le M23, fait craindre un effet domino sur le Burundi. Le risque d'une attaque menée par les alliés du M23 est très pris au sérieux. Parmi eux, le groupe RED-Tabara (Résistance pour un Etat de droit au Burundi), une faction burundaise rebelle accusée par les autorités de Bujumbura de déstabiliser le pays depuis 2015, alimente les craintes d'une offensive coordonnée. « Il y a une peur que si jamais le M23 s'installe à Bukavu, le Burundi peut être attaqué par ses alliés (RED-Tabara) », alerte Ildephonse.
Une urgence humanitaire à la frontière
Sur le plan humanitaire, l'afflux de réfugiés congolais vers le Burundi atteint des niveaux alarmants. « Il y a vraiment un afflux très considérable vu que la guerre n'a jamais cessé depuis mi-2024, surtout dans la région sud du Congo, frontière avec le Burundi », précise-t-il. Le camp de transit de Cibitoke est aujourd’hui complètement débordé. Une partie des réfugiés a été transférée dans la province de Rutana, au Sud-Est du pays, mais la situation demeure critique.
L'ampleur de la crise est telle que plusieurs ONG internationales appellent à un soutien accru pour répondre aux besoins urgents des populations déplacées. « Le camp de transit de Cibitoke est débordé et a pu transférer un nombre très important à Rutana », rapporte notre partenaire.
Le drame humain prend une dimension encore plus tragique à la frontière, notamment au niveau de la rivière Rusizi. « Ce qui est très grave, ce sont les réfugiés qui traversent la frontière en passant par la rivière Rusizi, où la moitié des réfugiés se noient et meurent directement, et le Burundi s’en charge pour les enterrer. C’est vraiment compliqué. »
Face à cette urgence, une réponse humanitaire coordonnée et une attention accrue de la communauté internationale s’imposent.
Basé sur les témoignages et rapports d'Ildephonse NDAYIKENGURUKIYE, partenaire local de l'asbl Solidarités pour Aider les Sinistrés Burundais (SASB)
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